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22 avril 2012 : un nouveau « 21 avril » dissimulé par les medias ?

Par Pierre Carles


Le dimanche 21 avril 2002 est considéré par bon nombre de commentateurs et de journalistes comme une « date noire » dans l’histoire de la Ve République. Ce jour-là, Jean-Marie Le Pen, un candidat d’extrême-droite, a réussi à se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle en éliminant Lionel Jospin, le candidat du Parti Socialiste. Deux semaines plus tard, les électeurs n’ont eu d’autre choix que de voter pour un candidat de droite (Chirac), un candidat d’extrême-droite (Le Pen) ou bien glisser un bulletin blanc ou nul dans l’urne. La gauche n’avait pas de représentant au 2e tour et le choix proposé aux électeurs, assez réduit, a conduit certains à estimer que la démocratie était en danger ce jour-là.

Le 22 avril 2012, une situation comparable s’est produite mais les médias n’en ont pas parlé. Lors du premier tour de la dernière élection présidentielle, aucun candidat de gauche n’a réussi à se qualifier pour le second tour. Deux hommes politiques de droite sont arrivés en tête du scrutin : Nicolas Sarkozy, représentant l’aile droite de l’UMP et François Hollande, représentant l’aile droite du PS. Les candidats de gauche (Nathalie Arthaud, Philippe Poutou) ou de centre-gauche (Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon) ont tous été éliminés au 1er tour. Mais peu d’éditorialistes ou de commentateurs politiques, aussi bien dans les médias traditionnels que sur internet, ont qualifié cette journée de « date noire dans l’histoire de la Ve République ». Un « oubli » ? Non, une récidive. En 2007, la présence au second tour du duo Ségolène Royal/Nicolas Sarkozy constituait, toutes proportions gardées, un nouveau « 21 avril ». La candidate du PS avait en effet prévu de nommer François Bayrou – un homme politique de centre-droit – à l’hôtel Matignon si elle emportait l’élection présidentielle. Ségolène Royal, tout comme son compagnon François Hollande, faisait partie de l’aile droite du PS. C’était une femme politique de droite, ce que ce n’était pas privé de dire le sociologue Pierre Bourdieu devant une caméra à la fin des années 90.

L’absence d’un candidat de gauche au second tour, aussi bien en 2007 qu’en 2012, n’a pas été révélé aux électeurs par la plupart des médias. Pendant des années, ceux-ci se sont ingéniés à faire passer Royal, Strauss-Kahn ou Hollande pour des personnalités politiques de gauche. Il suffit pourtant de se remémorer la politique de privatisation menée par Dominique Strauss-Kahn du temps où il était ministre de l’économie et des finances de Lionel Jospin, ou les mesures d’inspiration néo-libérale soutenues par François Hollande lorsqu’il se trouvait à la tête du PS, pour se persuader du contraire.

Tant que la présence d’historiens ne sera pas rendue obligatoire dans les journaux télévisés et dans les magazines d’information – Le grand journal (Canal +), C dans l’air (France 5), Des paroles et des actes, Mots croisés (France 2)... – les responsables de l’information pourront toujours nous faire croire que l’aile droite du PS représente la gauche. À ce compte-là, inutile de se déplacer aux prochaines élections en France. Avec un pareil système médiatique, tant qu’un nouvel isoloir n’aura pas été mis en place – mais un isoloir « électronique », cette fois-ci, protégeant les électeurs des pressions médiatiques, interdisant les sondages plusieurs mois voire plusieurs années avant le scrutin – ce n’est pas en allant voter que l’on réussira à transformer la société (si tant est que l’on aspire au changement social). À bon entendeur...